MICHELLE FORSYTH



SANDWICH BOARDS (FOR MY DEAREST FRIENDS)

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Independent Project: Performance (Roaming Location)
Nuit Blanche, Toronto, ON, October 4, 2014
A series of wearable signs, faithfully depicting pieces of clothing from the closets of ten of my dearest friends.
http://www.scotiabanknuitblanche.ca/snb14guidebook.pdf



Essay:

In a crucial effort to engage with the spectator, the work Sandwich Boards (For My Dearest Friends) is designed to shift our perception of the immovable nature of things. Primarily, the work consists of walkers/carriers making their way through the streets of Toronto in sandwich boards, thus freed from the constraints of established art institutions, peddling a collection of painted reproductions of textiles with decorative patterns that imitate the clothing worn by the artist’s close friends. Conceptually1, each board, by revealing a number of emotional relationships that transcend the symbolic iconography of the geometric, tiled and/or floral prints, signifies a friend — physically absent but very much present, embodied in the formal and stylistic forms of the print fabric.

Constantly morphing as it wends its way from one place to another, the work reveals a panoply of cultural atavisms that, depending on the context and the influence of the environment, elicit personal recollections through fortuitous encounters. A wearable work, it reminds us that not only does clothing play an important role in our daily experience of others, but also that fabric envelops the body and, like a second skin, conveys things differently. Nomadic, the work proceeds along a path initiated by the walkers/carriers who, through their random interactions, stage the body-mounted paintings, establishing a communication dynamic that goes well beyond a simple urban stroll.

Hence, one might say that the work defines a set of distinctive signs since these body-mounted paintings, informed as they are by references to Forsyth’s personal relationships, weave a gallery of portraits, especially the ornamental aspect of the prints, which influence our judgment (too often constructed by prejudices). Also, however, powerfully evocative and laced with elements liable to stir up forgotten moments, words, acts, and even the scents of life, the prints both attract and elicit memories. Indeed, invested in memory-evoking potential—as if to seek balance or a stylistic analogy visually linking the canvases to the individuals to which they refer—the work conditions our image of the other. An image invented according to our own subjectivity and creativity whose process of fabrication, complete with imperfections, reinforces the unique character of each painting. Thus, the work expands upon the uniqueness of decorative patterns that, rooted in the world of emotional memories, induces a sense of proximity between the public and the work.

So, in the name of democratization, the work hopes to embed art in daily life and to inhabit the urban space at the very point where the personal intersects with the public. A present-day representation of remembrance, this procession of “wearable paintings” acts upon our relationship to the world by exploring various forms of urban wanderings while, collectively, making it possible to celebrate our emotional attachment to our loved ones. This secular rite prompts all of us to contemplate the presence of absence—the absence of friends reduced to no more than a scrap of cloth, which kindles a metaphor about the virtues and power of friendship.

Karl-Gilbert Murray, Historien de l'art


1. Forsyth’s work echoes André Breton’s performance during the Dada Festival at the Théâtre de l’Œuvre (Paris, 1920) when he wore a sandwich board with a poster by Francis Picabia upon which was written, “To love something you must have long seen and listened to a passel of idiots.” Calling into question the notion of originality, this performance hoped to shake the received idea of institutionalized art while inviting us to seek elsewhere, in the most unlikely places, for artistic creativity. Sandwich Boards (For My Dearest Friends) also questions the meaning of art much as Daniel Buren, during a site-specific work entitled Hommes-Sandwichs (1968), made it possible to understand the work in another way, through a random meeting, a detour down an alley.



L’œuvre Sandwich Boards (For My Dearest Friends) est destinée à déplacer le regard que l’on porte sur l’inertie des choses dans une tentative ultime de rapprochement avec le spectateur. L’activité principale consistant à circuler dans les rues de Toronto, les marcheurs/porteurs, sandwichés entre deux panonceaux, colportent, au-delà des frontières institutionnelles de l’art, une gamme de reproductions peintes de textiles à motifs décoratifs – imitant fidèlement des vêtements ayant appartenu à de proches amis(es) de l’artiste. Conceptuellement1, divulguant nombre de filiations affectives qui transcendent la symbolique iconographique des imprimés géométriques, carrelés et/ou fleuris, chaque placard désigne un(e) ami(e) – absent(e) de corps, mais toujours présent(e) au travers des modalités formelles et stylistiques des étoffes peintes.

Se métamorphosant continuellement au fil des déplacements, l’œuvre révèle ainsi une panoplie d’atavismes culturels qui, selon le contexte et l’influence de l’environnement, provoquent des réminiscences personnelles au travers de rencontres hasardeuses. Portative, elle nous rappelle non seulement l’importance que jouent les vêtements dans l’expérience quotidienne du sens de l’autre, mais aussi que le tissu est une enveloppe corporelle (une seconde peau) qui dit autrement les choses. Nomade, elle défile au gré des aléas des parcours initiés par les marcheurs/porteurs qui, dans leurs interactions aléatoires, mettent en scène des corps-tableaux soutenus par un dispositif de présentation, instaurant une dynamique communicationnelle qui va bien au-delà de la simple déambulation urbaine.

Dès lors, pourrait-on dire que l’œuvre délimite un ensemble de signes distinctifs puisque ces corps-tableaux, qui interpellent des références à l’entourage personnel de Forsyth, tissent une galerie de portraits dont les imprimés, focalisant sur l’aspect ornemental, influencent le jugement (trop souvent façonné par des préjugés). Aussi, dirait-on qu’ayant un fort pouvoir d’évocation, ils convoquent indubitablement autant de souvenirs qui s’éveillent à leurs contacts qu’ils renferment des affects susceptibles de faire surgir des moments oubliés, des paroles, des gestes voire même des odeurs de vie. À cet effet, misant sur le potentiel commémoratif – comme s’il s’agissait d’une adéquation ou d’une analogie stylistique établissant une parenté visuelle entre les tableaux et les individus auxquels ils font référence –, l’œuvre conditionne l’image que l’on se fait de l’autre. Une image inventée au gré de sa subjectivité et de sa créativité dont les procédés de fabrication, intégrant des imprécisions, renforcissent le caractère unique de chaque tableau. L’œuvre discourt ainsi sur la singularité des motifs décoratifs qui, associés au monde des réminiscences émotionnelles, introduisent un sentiment de proximité entre le public et l’œuvre.

Au nom de la démocratisation de l’art, l’œuvre a donc pour volonté de s’inscrire dans la vie quotidienne et d’investir l’espace urbain – là où la vie intime entre en contact avec la vie publique. Représentation contemporaine d’une commémoration, ce défilé de « tableaux portatifs » agit sur notre rapport au monde en explorant diverses figures de la déambulation urbaine tout comme, il permet, collectivement, de célébrer notre attachement affectif avec nos proches. Telle une procession profane, il invite tout un chacun à contempler la présente absence d’amis(es) qui, ne pouvant prendre une autre forme qu’un « lambeau de tissu », induit une métaphore aux vertus et la potestas de l’amitié.

Karl-Gilbert Murray, Historien de l'art


1. L’œuvre de Forsyth, nous rappelle la performance d’André Breton qui, vêtu tel un homme-sandwich, lors du Festival Dada au théâtre de l’Œuvre (Paris, 1920), portait une affiche de Francis Picabia sur laquelle on pouvait lire : « Pour que vous aimiez quelque chose il faut que vous l’ayez vue et entendue depuis longtemps tas d’idiots ». Questionnant la notion d’originalité, cette performance visait à décentrer l’attention que l’on portait sur l’institutionnalisation de l’art tout comme elle invitait à chercher ailleurs la créativité artistique – là où on s’y attendait le moins. Aussi, Sandwich Boards (For My Dearest Friends), interrogeant le sens de l’art tel que Daniel Buren l’aura fait lors d’une intervention in situ, intitulée Hommes-Sandwichs (1968), permet d’appréhender l’œuvre autrement : au hasard d’une rencontre, au détour d’une ruelle, etc.